Evènements

Cette rubrique se propose de vous faire découvrir une sélection d'évènements qui ont marqué l'histoire de notre département de 1940 à 1945.

23 et 30 septembre 1945 : Elections cantonales, seconde étape de la restauration républicaine

Lucien Prost, 31 ans, résistant communiste, 1er secrétaire de la Fédération de l’Yonne du Parti communiste.

Après les élections municipales du printemps 1945, la restauration de la légalité républicaine se poursuit avec les élections cantonales des 23 et 30 septembre 1945. Elles ont pour fonction de remplacer le Conseil départemental nommé par Vichy qui avait supprimé le Conseil général élu en 1937.

En novembre 1944, le Conseil départemental de Libération (CDL) avait été chargé de dresser une liste de conseillers généraux afin de faire renaître rapidement un Conseil général représentatif et républicain. Le CDL avait consulté les Comités cantonaux de Libération (CCL) leur demandant de fournir chacun trois noms de conseillers potentiels. Les CCL avaient eux-mêmes consulté les Comités locaux. De cette consultation était sorti un Conseil général profondément renouvelé, trois conseillers seulement sur les 37 élus en 1937 étaient jugés dignes d’être reconduits dans leurs fonctions ; 19 de ces nouveaux conseillers étaient membres du CDL ou des CCL. Ce Conseil général resta sur le papier et le CDL demeura en fonction. 

Les élections cantonales de septembre 1945 se déroulent au scrutin uninominal à deux tours. Sur les 37 conseillers généraux élus en 1937, seulement huit se présentent pour renouveler leur mandat. La gauche est divisée. PCF, SFIO et quelques radicaux sont les forces de gauche traditionnelles. Deux nouvelles formations politiques issues de la Résistance font leur apparition à l’occasion de ces élections : les Mouvements unis pour la Renaissance française (MURF) et l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR). Les MURF sont en réalité très proches du parti communiste qui soutient leurs candidats dans les cantons où il n’est que faiblement implanté. L’UDSR est au contraire constituée de résistants qui craignent la mainmise du PCF mais qui sont eux mêmes divisés (au plan national les deux tendances sont représentées par René Pleven et François Mitterrand). Cependant toutes ces organisations de gauche défendent globalement le programme du Conseil national de la Résistance (nationalisations, Sécurité sociale, poursuite de l’épuration), ce qui explique que, dès le premier tour, elles présentent des candidats uniques dans plusieurs cantons et qu’au second tour il y ait d’excellents reports de voix sur les candidats les mieux placés. Les candidats de la droite insistent surtout dans leur profession de foi sur leur enracinement local, sur la nécessaire défense des intérêts locaux et s’efforcent de dépolitiser ces élections. A Avallon Georges Schiever, maire maintenu dans ses fonctions par Vichy, battu aux élections municipales du printemps, se présente sous l’étiquette « radical indépendant » ! Le Mouvement républicain populaire (MRP) n’est pas encore implanté dans le département. L’adhésion d’Henri Crette a fait entrer le MRP au CDL et dans la municipalité d’Avallon. Il ne présente que deux candidats aux élections cantonales. 

Au soir du premier tour, dix-sept cantons sur trente-sept ont un élu. Les trois radicaux élus en 1937 sont réélus et la gauche progresse nettement : la gauche modérée obtient 20% des voix, le PCF 18,4% (pour la première fois, le PCF a un élu avec Lucien Prost) et la SFIO 17,5%. Les MURF obtiennent 4,2% des voix et l’UDSR 9,2% : scores bien supérieurs à ce qu’ils sont au plan national. Le MRP à un élu : Louis Protat à Chablis. 

 

Maxime Courtis, 67 ans, socialiste, ancien responsable sénonais du Front national, élu maire de Sens en septembre 1944.

Les désistements en application de la « discipline républicaine » permettent à la gauche de conquérir neuf cantons au second tour. La gauche s’implante dans les cantons d’Aillant-sur-Tholon avec Geneviève Bouchard (MURF), d’Auxerre-Est avec Bazin (SFIO), de Brienon avec Dubois (SFIO), de Charny avec Merland (UDSR), de Saint-Florentin avec Rol (SFIO), de Saint-Julien-du-Sault avec Gagnard (SFIO), de Flogny avec Camus (SFIO), de Quarré-les-Tombes avec Truchot (Socialiste indépendant) et de Tonnerre avec Durand (PCF) Dans le canton de Vézelay, l’électorat reste fidèle à la famille Flandin en envoyant siéger Charles Flandin, élu maire de Domecy-sur-Cure au printemps, frère de Pierre-Etienne Flandin frappé d’inéligibilité, sous l’étiquette de républicain indépendant. Le Conseil général de l’Yonne a désormais une majorité de gauche avec 24 sièges sur 37. Il est profondément renouvelé : six conseillers de 1937 seulement sont réélus. Cette poussée à gauche se situe dans la tendance nationale. On ne retrouve cependant dans ce Conseil que dix conseillers proposés par le CDL en novembre 1944. 

 

Jean Marot, 44 ans, résistant du groupe Bayard et du réseau Bordeaux-Loupiac, déporté, gauche modérée.

La première séance du Conseil général se déroule le 29 octobre 1945. Maxime Courtis est élu président avec 21 voix sur 27. Les trois vice-présidents sont également des hommes de gauche et d’anciens résistants : Jean Marot, Paul Picot et Lucien Prost. Le Conseil général se substitue par son activité au CDL. Il se préoccupe de la reconstruction du département (réfection des routes et voies ferrées, modernisation des campagnes avec le développement de l’adduction d’eau…) et d’abord de la question toujours préoccupante du ravitaillement. 

Sources : Jollet Corinne, Le personnel politique et les pouvoirs locaux à la Libération de l’Yonne 1944-1945, mémoire de maîtrise, Université de Bourgogne, 1999. Guyot Philippe, Eléments pour une histoire politique de l’Yonne de la Libération à la constitution de la IVème République (1944-1946), in Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 120ème volume, 1988. 

 

Joël Drogland.

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