Après les élections municipales du printemps 1945, la restauration de la légalité républicaine se poursuit avec les élections cantonales des 23 et 30 septembre 1945. Elles ont pour fonction de remplacer le Conseil départemental nommé par Vichy qui avait supprimé le Conseil général élu en 1937.
En novembre 1944, le Conseil départemental de Libération (CDL) avait été chargé de dresser une liste de conseillers généraux afin de faire renaître rapidement un Conseil général représentatif et républicain. Le CDL avait consulté les Comités cantonaux de Libération (CCL) leur demandant de fournir chacun trois noms de conseillers potentiels. Les CCL avaient eux-mêmes consulté les Comités locaux. De cette consultation était sorti un Conseil général profondément renouvelé, trois conseillers seulement sur les 37 élus en 1937 étaient jugés dignes d’être reconduits dans leurs fonctions ; 19 de ces nouveaux conseillers étaient membres du CDL ou des CCL. Ce Conseil général resta sur le papier et le CDL demeura en fonction.
Les élections cantonales de septembre 1945 se déroulent au scrutin uninominal à deux tours. Sur les 37 conseillers généraux élus en 1937, seulement huit se présentent pour renouveler leur mandat. La gauche est divisée. PCF, SFIO et quelques radicaux sont les forces de gauche traditionnelles. Deux nouvelles formations politiques issues de la Résistance font leur apparition à l’occasion de ces élections : les Mouvements unis pour la Renaissance française (MURF) et l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR). Les MURF sont en réalité très proches du parti communiste qui soutient leurs candidats dans les cantons où il n’est que faiblement implanté. L’UDSR est au contraire constituée de résistants qui craignent la mainmise du PCF mais qui sont eux mêmes divisés (au plan national les deux tendances sont représentées par René Pleven et François Mitterrand). Cependant toutes ces organisations de gauche défendent globalement le programme du Conseil national de la Résistance (nationalisations, Sécurité sociale, poursuite de l’épuration), ce qui explique que, dès le premier tour, elles présentent des candidats uniques dans plusieurs cantons et qu’au second tour il y ait d’excellents reports de voix sur les candidats les mieux placés. Les candidats de la droite insistent surtout dans leur profession de foi sur leur enracinement local, sur la nécessaire défense des intérêts locaux et s’efforcent de dépolitiser ces élections. A Avallon Georges Schiever, maire maintenu dans ses fonctions par Vichy, battu aux élections municipales du printemps, se présente sous l’étiquette « radical indépendant » ! Le Mouvement républicain populaire (MRP) n’est pas encore implanté dans le département. L’adhésion d’Henri Crette a fait entrer le MRP au CDL et dans la municipalité d’Avallon. Il ne présente que deux candidats aux élections cantonales.
Au soir du premier tour, dix-sept cantons sur trente-sept ont un élu. Les trois radicaux élus en 1937 sont réélus et la gauche progresse nettement : la gauche modérée obtient 20% des voix, le PCF 18,4% (pour la première fois, le PCF a un élu avec Lucien Prost) et la SFIO 17,5%. Les MURF obtiennent 4,2% des voix et l’UDSR 9,2% : scores bien supérieurs à ce qu’ils sont au plan national. Le MRP à un élu : Louis Protat à Chablis.